L’analyse transactionnelle en 3 mots… ou presque
Courant de la psychologie moderne né à la fin des années 1950, l’analyse transactionnelle (AT) fait toujours preuve d’une grande efficacité pour transformer le rapport à autrui et les relations contre-productives et pénalisantes. Faciles à comprendre, ses concepts sont encore largement utilisés en coaching et en management. Parmi eux, j’ai un coup de cœur particulier pour les états du moi « Parent, Adulte, Enfant » ainsi que pour les « transactions ».
Ce texte, qui résume les principaux concepts de l’analyse transactionnelle, est issu du mémoire « Coaching cognitif et comportemental et analyse transactionnelle : outils de développement de la confiance en soi », que j’ai rédigé en 2018.
Faciliter ses relations avec autrui… et donc avec soi-même
Développée par le psychiatre Eric Berne (1910-1970, en photo ci-dessus), l’analyse transactionnelle est un courant issu de la psychologie moderne, utilisé en thérapie individuelle ou de groupe. Elle a trouvé sa place dans le coaching, notamment en France avec Vincent Lenhardt. Centrée sur l’analyse des relations, dénommées « transactions », cette théorie a pour objectif d’aider la personne à transformer le rapport à autrui et les relations contre-productives, c’est-à-dire qui sont pénalisantes pour l’individu.
Selon François Délivré, autre personnage clé du coaching en France, l’analyse transactionnelle est pertinente pour apprendre à faire confiance et se faire confiance, s’accepter inconditionnellement, changer de regard sur soi-même et les autres, apprendre à voir la réalité, comprendre ses difficultés relationnelles, sortir d’un conflit destructeur…
L’une des forces de l’analyse transactionnelle est une relative simplicité de ses concepts. Ce qui la rend facilement compréhensible. « L’AT s’est voulue d’entrée de jeu une approche partageable, souligne François Délivré. Le coach transactionnaliste n’hésite donc pas à partager son diagnostic et ses méthodes. Mieux, il se sert de ce partage pour aider son client (…). Le souci de partage de l’AT est l’une de ses spécificités importantes (…). Le client doit pouvoir comprendre. »
Concept 1 : les signes de reconnaissance
Les signes de reconnaissance (également dénommés stimulus, caresses, strokes) sont des unités de communication avec l’autre. Ce concept développé par Eric Bern s’inscrit dans la lignée des travaux de René Spitz (1887-1974) publiés en 1945, selon lesquels, rappelle-t-il, « les nourrissons que l’on ne manipulait pas durant une période prolongée avaient tendance à décliner de manière irréversible ». Ainsi, un enfant sans caresse dépérit et l’échange de stimuli est une activité première des adultes.
Il existe des signes de reconnaissance conditionnels (reconnaissance d’une partie de la personne ou sous condition) et inconditionnels (reconnaissance de la personne dans son intégrité et sans condition). En outre, « les stimulations peuvent être positives (elles sont sources de plaisirs, d’épanouissement, de confiance en soi (…) ou négatives (sources de déplaisir, de souffrance, de méfiance…).
Cette qualité positive ou négative est essentiellement subjective et dépend aussi du récepteur de la stimulation », précisent Vincent Lenhardt, Alain Cardon et Pierre Nicolas dans leur livre L’Analyse transactionnelle.
Concept 2 : les états du moi Parent, Adulte, Enfant
C’est LA clef de l’analyse transactionnelle, affirme Eric Berne lui-même dans son livre que je trouve extraordinaire : Que dites-vous après avoir dit bonjour ? « L’intérêt fondamental de l’analyse transactionnelle réside dans l’étude des états du moi, système cohérent de pensée et de sentiment, mis en évidence par des types de comportements correspondants. » Et de citer les trois états du moi inhérents à tout être humain : Parent (subdivisé en Parent normatif ou autoritaire et Parent nourricier), Adulte, Enfant (subdivisé en Enfant adapté ou soumis, Enfant rebelle, Enfant libre).
Les états du moi sont diagnostiqués à travers les pensées, les sentiments, les comportements et les relations. L’état du moi d’une personne peut varier selon les situations et les moments. Le modèle structural (ou personnalité intérieure) décrit la personnalité complète avec ses trois états du moi. Le modèle fonctionnel décrit les états du moi observables de l’extérieur.
Voici les caractéristiques des trois états du moi, résumés par Vincent Lenhardt, Alain Cardon et Pierre Nicolas :
• Etat du moi Parent : Parent normatif, Parent nourricier
Une personne avec un état du moi Parent adopte une position « haute ». Le Parent normatif pose et rappelle le cadre. Il est directif, prescripteur, protecteur avec autorité. « Il est le gardien de la loi, des valeurs et veille au respect des limites et des normes ». Le Parent nourricier est aidant, réconfortant, accueillant. « Il valorise la personne et lui donne droit à l’erreur. »
• Etat du moi Adulte
L’Adulte est neutre, dans l’écoute, la reformulation, en position méta, à la recherche d’informations objectives. « Il est orienté sur la réalité objective (…). Il se sert de ces informations pour énoncer des faits, calculer des probabilités, prendre des décisions, préciser ses objectifs, évaluer ses résultats. »
• Etat du moi Enfant : Enfant soumis, Enfant rebelle ou Enfant libre
L’Enfant rebelle ou soumis agit par réflexes conditionnés. Il « répond aux problèmes en épousant des méthodes pré-établies ». L’Enfant soumis réagit en soumission aux figures parentales et d’autorité. L’Enfant rebelle se met en opposition à ces mêmes figures. Troisième état du moi Enfant, l’Enfant libre est spontané, naturel et tient peu compte de l’environnement social. Il « ignore l’existence des problèmes. Il n’en a pas. »
La représentation des états du moi par Eric Berne
PNF : Parent Normatif. PNR : Parent Nourricier.
EAS : Enfant Adapté Soumis. EAR : Enfant Adapté Rebelle. EL : Enfant Libre.
(Eric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, 1972, p 20)
L’analyse transactionnelle permet « d’identifier et accepter les différents états du moi, de percevoir les contaminations, de ”décontaminer”, de mettre l’Adulte au contrôle, d’augmenter la compétence interne et externe de l’Adulte, de mettre chaque état du moi au service de la personne intégrale », précisent encore Vincent Lenhardt, Alain Cardon et Pierre Nicolas. Les états du moi trouvent surtout leur intérêt aussi dans l’analyse des transactions.
Concept 3 : les transactions
La transaction est un ensemble « stimulus + réponse », c’est-à-dire un échange de deux signes de reconnaissance. C’est donc l’équivalent d’une communication entre deux personnes. Il existe plusieurs formes de transactions :
• Transactions parallèles
« Dans les relations les plus simples, les flèches sont parallèles ; ces relations sont dites complémentaires » et peuvent être sans fin, explique Eric Berne.
• Transactions croisées
Dans les transactions croisées, l’état du moi qui est visé n’est pas celui qui répond. « Quelque chose a mal tourné » et « la communication cesse », selon ses mots.
• Transactions cachées
Il existe enfin les transactions cachées, également dénommées duplex ou à double fond. Deux messages sont alors émis en même temps : un message ouvert et apparent (niveau social) et un message masqué (niveau psychologique).
Concept 4 : les positions de vie
Concept qui rejoint la question de l’estime de soi, la position de vie est définie par Eric Berne comme une position existentielle. C’est la manière constante et fondamentale dont l’individu s’évalue face à lui-même et aux autres. Elle dépend pour chacun de deux évaluations :
• L’évaluation de moi par moi, qui peut être positive (OK+) ou négative (OK-) ;
• L’évaluation des autres par moi qui peut également être positive (OK+) ou négative (OK).
En conséquence, il existe quatre positions de vie :
• Position OK- / OK +
Je me dévalorise et survalorise l’autre. « C’est une solution d’effacement et de complaisance ; ici, la personne cherche avant tout à être aimée par les autres (…). Elle se soumet aux autres et dépend d’eux », indiquent Vincent Lenhardt, Alain Cardon et Pierre Nicolas.
• Position OK+ / OK +
Je m’accepte et accepte l’autre. « C’est la solution la plus constructive ; dans cette position, la personne prend conscience de ses propres responsabilités, agit de façon réaliste et constructive. Elle a confiance en ses propres capacités », poursuivent-ils.
• Position OK- / OK –
Je me dévalorise et dévalorise l’autre
• Position OK+ / OK –
Je me survalorise et dévalorise l’autre
Concept 5 : la matrice de scénario
Autre concept de l’analyse transactionnelle : la matrice de scénario et ses composantes rejoignent les concepts de l’approche cognitive et comportementale que sont les croyances irréalistes, les biais cognitifs et les pensées automatiques.
François Délivré explique : « Le scénario est un ensemble de prévisions, décisions et croyances sur soi-même, le monde et les autres. Il est construit par le petit enfant afin d’expliquer les quatre « I » (Inadéquation, Injustice, Imprévisibilité et Inéductabilité). (…) Une personne a tendance à rejoindre en permanence son scénario de manière à contenir l’angoisse que représenterait un bouleversement de ses croyances, décisions et prévisions (peur de l’inconnu). »
Concept 6 : le triangle dramatique de Karpman
Disciple d’Eric Berne, Stephen Karpman a conceptualisé en 1968 le triangle dramatique, devenu depuis un concept clé de l’analyse transactionnelle. Le triangle de Karpman est un jeu psychologique entre des personnes qui jouent chacune l’un des trois rôles suivants : Victime, Persécuteur, Sauveur. Au lieu d’exprimer ses idées et ses émotions réelles, chacune adopte les comportements (paroles, actions…) qui caractérisent son rôle.
En conséquence, la communication relationnelle n’est plus basée sur des faits ni sur leur lecture objective. Elle repose sur la posture symbolique (le rôle) adoptée par chacun avec des motivations cachées non dites. La relation entre dans une spirale négative, voire conflictuelle, sans pouvoir aboutir à une solution autre qu’un jeu dramatique.
Synonyme de manipulation, ce jeu psychologique est basé sur la répétition. Il peut durer dix minutes, deux heures, trois mois, dix ans ou une vie si l’on n’en sort pas. Heureusement toutefois, il existe des voix pour en sortir. L’analyse d’une relation avec le triangle le permet.
Facile à appréhender, le triangle de Karpman est souvent utilisé en coaching professionnel mais aussi en coaching de vie pour sortir de relations malsaines ou déséquilibrées.
>> A lire : Triangle de Karpman : sortir d’une relation malsaine
Autre concept de l’analyse transactionnelle : les drivers
A ces six concepts rapidement présentés, nous pouvons ajouter les drivers, qui sont les messages contraignants que l’individu peut retenir au cours de son enfance et qui continue à guider ses décisions et actions. Au nombre de cinq, les drivers sont des messages impératifs : Sois parfait, Dépêche-toi, Fais plaisir, Sois fort, Fais effort.
Sylvain Seyrig, coach professionnel à Paris
Bibliographie
• Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, Eric Berne, éd. Tchou.
• Des Jeux et des hommes, Eric Berne, éd. Stock.
• L’Analyse transactionnelle, Vincent Lenhardt, Alain Cardon, Pierre Nicolas, éd. Eyrolles.
• Le Métier de coach, François Délivré, éd. Eyrolles.
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1 thoughts on “L’analyse transactionnelle en 3 mots… ou presque”
Merci pour cette belle synthèse. Très clair.